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Le lac
Remémore, mon cœur, devant l'onde qui fuit
De ce lac solennel, sous l'or de la vesprée,
Ce couple malheureux dont la barque éplorée
Y vint sombrer avec leur amour, une nuit.
Comme tout alentours se tourmente et sanglote !
Le vent verse les pleurs des astres aux roseaux,
Le lys s'y mire ainsi que l'azur plein d'oiseaux,
Comme pour y chercher une image qui flotte.
Mais rien n'en a surgi depuis le soir fatal
Où les amants sont morts enlaçant leurs deux vies,
Et les eaux en silence aux grèves d'or suivies
Disent qu'ils dorment bien sous leur calme cristal.
Ainsi la vie humaine est un grand lac qui dort
Plein, sous le masque froid des ondes déployées,
De blonds rêves déçus, d'illusions noyées,
Où l'Espoir vainement mire ses astres d'or.Émile Nelligan
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L'invisible lien
L'invisible lien, partout dans la nature,
Va des sens à l'esprit et des âmes aux corps ;
Le chœur universel veut de la créature
Le soupir des vaincus ou l'insulte des forts.
L'invisible lien va des êtres aux choses,
Unissant à jamais ces ennemis mortels,
Qui, dans l'anxiété de leurs métamorphoses,
S'observent de regards craintifs ou solennels.
L'invisible lien, dans les ténèbres denses,
Dans le scintillement lumineux des couleurs,
Eveille les rapports et les correspondances
De l'espoir au regret, et du sourire aux pleurs.
L'invisible lien, des racines aux sèves,
Des sèves aux parfums, et des parfums aux sons,
Monte, et fait sourdre en nous les sources de nos rêves
Parfois pleins de sanglots et parfois de chansons.
L'invisible lien, de la terre aux étoiles,
Porte le bruit des bois, des champs et de la mer,
Léger comme les cœurs purs de honte et sans voiles,
Profond comme les cœurs pleins des feux de l'enfer.
L'invisible lien, de la mort à la vie,
Fait refluer sans cesse, avec le long passé,
La séculaire angoisse en notre âme assouvie
Et l'amour du néant malgré tout repoussé.Léon DIERX
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