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Envoi de feuilles d'Automne
A Madame,
Ce livre errant qui va l'aile brisée,
Et que le vent jette à votre croisée
Comme un grêlon à tous les murs cogné,
Hélas ! il sort des tempêtes publiques.
Le froid, la pluie, et mille éclairs obliques
L'ont assailli, le pauvre nouveau-né.
Il est puni d'avoir fui ma demeure.
Après avoir chanté, voici qu'il pleure ;
Voici qu'il boite après avoir plané !
En attendant que le vent le remporte,
Ouvrez, Marie, ouvrez-lui votre porte.
Raccommodez ses vers estropiés !
Dans votre alcôve à tous les vents bien close,
Pour un instant souffrez qu'il se repose,
Qu'il se réchauffe au feu de vos trépieds,
Qu'à vos côtés, à votre ombre, il se couche,
Oiseau plumé, qui, frileux et farouche,
Tremble et palpite, abrité sous vos pieds !Victor Hugo.
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La pomme
Bel automne
À moi tes pommes,
Qui sont rougeaudes comme joues de jeune vierge !
J'y veux mordre à pleines dents ;
J'y veux boire à pleines lèvres :
Bel automne,
À moi tes pommes
Pour le pressoir qui les attend !
J'en veux faire éclater la fine chair
Entre les mâchoires de fer ;
J'en veux tirer la liqueur blonde ;
À grand effort de vis et de levier,
J'en veux faire jaillir une source de songe !
Pour défier
L'ennui de l'hiver et des mois sombres,
Rien ne vaut une cave pleine et froment au grenier.
Bel automne
À moi tes pommes !
Aux glèbes fraîches,
Mon blé germe :
Qu'importe le passé ?
J'ai semé l'avenir.
Les feuilles sèches
Au gré du vent peuvent courir
Dans la brume des soirs ternes ;
Si j'ai du cidre
En mon cellier,
Il m'est permis d'oublier
L'angoisse même de vivre,
L'angoisse de marcher ployé,
Et d'être si peu, si peu libre !Philéas Lebesque.
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