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Le ravin des coquelicots
Dans un creux sauvage muet
Qui n’est pas connu du bluet
Ni de la chèvre au pied fluet
Ni personne,
Loin des sentiers des bourricots,
Loin des bruits réveilleurs d’échos,
Un fouillis de coquelicots
Songe et frissonne.
Ils bruissent dans l’air léger
Sitôt que le temps va changer,
Au moindre aquilon passager
Qui les tapote,
Et se démènent tous si fort
Sous le terrible vent du Nord
Qu’on dirait du sang qui se tord
et qui clapote
frôlés des oiseaux rebâcheurs
et des sidérales blancheurs,
ils pensent là dans les fraicheurs
et les vertiges,
aussi bien que dans les sillons ;
et tous ces jolis vermillons
tremblent comme des papillons
au bout des tiges.
Les carmins et les incarnats,
La pourpre des assassinats,
Tous les rubis, tous les grenats
Luisent en elles ;
C’est pourquoi, par certains midis,
Leurs doux pétales attiédis
Sont le radieux paradis
Des coccinellesMaurice Rollinat
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Les fleurs
Oh ! de l'air ! des parfums ! des fleurs pour me nourrir !
Il semble que les fleurs alimentent ma vie ;
Mais elles vont mourir.... Ah ! je leur porte envie :
Mourir jeune, au soleil, Dieu ! que c'est bien mourir !
Pour éteindre une fleur il faut moins qu'un orage :
Moi, je sais qu'une larme effeuille le bonheur.
À la fleur qu'on va fuir qu'importé un long courage ?
Heureuse, elle succombe à son premier malheur !
Roseaux moins fortunés, les vents, dans leur furie,
Vous outragent longtemps sans briser votre sort ;
Ainsi, roseau qui marche en sa gloire flétrie,
L'homme achète longtemps le bienfait de la mort !
Et moi, je veux des fleurs pour appuyer ma vie ;
A leurs frêles parfums j'ai de quoi me nourrir :
Mais elles vont mourir.... Ah ! je leur porte envie ;
Mourir jeune, au soleil, Dieu ! que c'est bien mourir !Marceline Desbordes -Valmore
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