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LA PENSEE
Un soir, vaincu par le labeur
Où s'obstine le front de l'homme,
Je m'assoupis, et dans mon somme
M'apparut un bouton de fleur.
C'était cette fleur qu'on appelle
Pensée ; elle voulait s'ouvrir,
Et moi je m'en sentais mourir :
Toute ma vie allait en elle.
Echange invisible et muet :
A mesure que ses pétales
Forçaient les ténèbres natales,
Ma force à moi diminuait.
Et ses grands yeux de velours sombre
Se dépliaient si lentement
Qu'il me semblait que mon tourment
Mesurât des siècles sans nombre.
"Vite, ô fleur, l'espoir anxieux
De te voir éclore m'épuise ;
Que ton regard s'achève et luise
René Armand François Sully
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Clair de lune
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques,
Jouant du luth, et dansant, et quasi
Triste sous leurs déguisements fantasques.Tous en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de luneAu calme clair de lune triste et beaux
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes, parmi les marbres.
Paul Verlaine
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La lune blanche
La lune blanche
Luit dans les bois;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée...Ô bien-aimée.
L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure...Rêvons, c'est l'heure.
Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise...C'est l'heure exquise.
Paul Verlaine
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