LA BEAUTE
Splendeur excessive, implacable,
Ô beauté, que tu me fais mal !
Ton essence incommunicable,
Au lieu de m'assouvir, m'accable :
On n'absorbe pas l'idéal.
L'éternel féminin m'attire,
Mais je ne sais comment l'aimer.
Beauté, te voir n'est qu'un martyre,
Te désirer n'est qu'un délire,
Tu n'offres que pour affamer !
Je porte envie au statuaire
Qui t'admire sans âcre amour,
Comme sur le lit mortuaire
Un corps de vierge, où le suaire
Sanctifie un parfait contour.
il voit, comme de blanches ailes
S'abattant sur un colombier,
les formes des vivants modèles,
A l'appel du ciseau fidèles,
Couvrir le marbre familier ;
il les choisit, il les assemble,
François Sully Prudhomme