Eloge des jardins (le Songe de Vaux)
J'ignore l'art de bien parler,
Et n'emploierai pour tout langage
Que ces moments qu'on voit couler
Parmi les fleurs et de l'ombrage.
Là luit un soleil tout nouveau ;
L'air est plus pur, le jour plus beau ;
Les nuits sont douces et tranquilles ;
Et ces agréables séjours
Chassent le soin, hôte des villes,
Et la crainte, hôtesse des Cours.
Mes appâts sont les alcyons
Par qui l'on voit cesser l'orage
Que le souffle des passions
A fait naître dans un courage ;
Seule, j'arrête ses transports :
La raison fait de vains efforts
Pour en calmer la violence ;
Et, si rien s'oppose à leur cours,
C'est la douceur de mon silence,
Plus que la force du discours.
Jean La Fontaine (de)